Entre Brecht, Benjamin et Müller

Bertolt Brecht (1898-1956)

Bertolt Brecht est un metteur en scène et auteur incontournable du théâtre du vingtième siècle. Dans les années 1920, Bertolt Brecht fait partie de ces artistes et penseurs qui travaillent à transformer le mode réception de l’art, à lui redonner le moyen d’appréhender le réel et d’être mis au service de la société. En 1937, il commence un projet d’opéra intitulé Les voyages du dieu Bonheur, dont la majeur partie est écrite en 1940. Son oeuvre entière n’est qu’une recherche des im-possibilités de bonheur pour les hommes. En 1954, dans une introduction à la réédition de ces premières oeuvres, il évoque ce projet des voyages du dieu Bonheur, qu’il a laissé de côté sans doute à cause de la guerre. Ce court texte est le point de départ du travail d’Heiner Müller, initié deux ans après la mort de Brecht.

« Il est impossible de tuer tout à fait l’aspiration des hommes au bonheur. » (B. Brecht)

Walter Benjamin (1892-1940)

Walter Benjamin est un penseur allemand. Ses recherches tentent de relier le matérialisme historique et la religion juive. Il écrit notamment, au court d’une longue exode et quelques mois avant son suicide face au nazisme, l’essai intitulé Sur le concept d’histoire, qui sert de base à l’écriture du dieu Bonheur de Heiner Müller. Walter Benjamin considère le bonheur comme l’accomplissement de l’histoire et la communauté de l’homme avec la nature. Mais, il considère qu’après la Première Guerre mondiale, cette communauté ne peut plus exister, car l’homme a entrepris de dominer la nature. Son oeuvre ne cesse cenpendant de rechercher l’endroit du bonheur. Il voyage d’ailleurs sans cesse avec un tableau de Paul Klee intitulé Angelus Novus, qu’il considère comme son ange du bonheur ou de l’histoire.

« notre image du bonheur est toute entière colorée par le temps dans lequel il nous a été imparti de vivre (…) l’image du bonheur est inséparable de celle de la rédemption. » (W. Benjamin)

Heiner Müller (1929-1995)

Heiner Müller, auteur de l’Ex-Allemagne de l’Est (RDA), figure emblématique du théâtre post-dramatique, recherche, à travers son écriture, notre rapport à l’histoire. Il déclare ne rien inventer, mais réécrire. Il travaille à partir de divers matériaux : thèmes antiques, articles de journaux, ou d’autres oeuvres comme celles de Brecht, de Benjamin. Il écrit notamment Le dieu Bonheur entre 1958 et 1975, Prométhée en 1967, Germania mort à Berlin en 1971, Quartett en 1980 et Paysage sous surveillance, en 1984. Son écriture est comme un « rire étranglé du burlesque qui se mêle à l’horreur du tragique, nourrie de la rigueur d’une mécanique sociale poussée à l’absurde. Le spectateur est confronté à une accumulation d’effets dramatiques qui le privent de toute capacité à rationaliser il est emporté par l’action scénique et ne peut trouver le recours de la catharsis aristotélicienne ».